(New York, le 26 août 2024) – Les gouvernements du monde devraient entendre l’appel que leur a lancé le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, pour qu’ils entament de nouvelles négociations sur un traité international interdisant les systèmes d’armes létales autonomes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces « robots tueurs » sont capables de sélectionner et attaquer des cibles sur la seule base d’une analyse de signaux par un capteur, sans intervention humaine, ce qui représente une évolution dangereuse pour l’humanité.
Dans un rapport rendu public le 6 août 2024, le Secrétaire général réitère son appel aux États en vue de la conclusion d’ici à 2026 d’un nouveau traité international « interdisant des systèmes d’armes qui fonctionnent sans contrôle ou supervision humaine et dont l’utilisation est incompatible avec le droit international humanitaire ». Un tel traité devrait règlementer tous les autres types de systèmes d’armes autonomes, a précisé António Guterres.
« Le Secrétaire général de l’ONU a mis l’accent sur les énormes conséquences négatives qu’aurait pour l’humanité la disparition du contrôle humain sur certains systèmes d’armes », a déclaré Mary Wareham, directrice adjointe de la division Crises, conflits à armes de Human Rights Watch. « Le large soutien international à l’idée de s’attaquer à ce problème devrait inciter les gouvernements à entamer des négociations sans tarder. »
Un certain degré d’autonomie est déjà intégré à des systèmes d’armes depuis plusieurs années, mais la durée de leur opération, leur portée géographique et l’environnement dans lequel ces systèmes d’armes sont utilisés sont restés limités. Cependant, les avancées technologiques stimulent le développement de systèmes d’armes autonomes sans contrôle humain significatif, ce qui revient à déléguer à des machines des décisions de vie ou de mort. C’est la machine, plutôt que son opérateur humain, qui déterminerait où, quand ou contre quel adversaire elle sera utilisée.
Le rapport de l’ONU a été rédigé conformément à une résolution de décembre 2023 de l’Assemblée générale de l’ONU, dans laquelle les États membres demandaient au Secrétaire général de consulter les pays et d’autres parties prenantes sur les meilleurs moyens de faire face aux défis et aux préoccupations suscités par les systèmes d’armes autonomes « d’un point de vue humanitaire, juridique, sécuritaire, technologique et éthique », et de refléter ces points de vue dans un rapport. La résolution 78/241 de l’Assemblée générale prévoyait également l’inscription d’un point sur les systèmes d’armes létaux autonomes à l’ordre du jour provisoire de la 79ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, qui s’ouvrira le 10 septembre.
Le nouveau rapport de l’ONU reflète 58 contributions provenant de plus de 73 pays, ainsi que 33 autres contributions émanant du Comité international de la Croix-Rouge et d’organisations de la société civile, parmi lesquelles Human Rights Watch. Une étude effectuée par le projet de recherches sur les prises de décision automatisées (Automated Decision Research) de la campagne Stop Killer Robots (« Halte aux robots tueurs ») a permis de constater que 47 des 58 contributions reflétaient des positions favorables à certaines formes d’interdiction ou de règlementation des systèmes d’armes autonomes.
De nombreuses contributions au rapport de l’ONU expriment des préoccupations et des regrets suscités par le fait que les discussions au sein de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), qui se tiennent depuis 2014, n’ont pas progressé et permis d’adopter un nouveau traité international sur cette question. Les États devraient transposer leurs discussions vers un autre forum international pour entamer des négociations. Dans son rapport, le Secrétaire général a qualifié l’Assemblée générale de l’ONU de « lieu propice à des discussions inclusives » sur les systèmes d’armes entièrement autonomes, compte tenu « de sa représentativité presque universelle et de l’étendue de ses champs d’intérêt », ainsi que de sa capacité d’étude de sujets relatifs « à la paix et à la sécurité internationales ».
S’attaquer au défi posé par les robots tueurs sous les auspices de l’Assemblée générale permettrait une meilleure prise en considération de certains aspects du problème qui ont été négligés lors des précédentes discussions, a déclaré Human Rights Watch. Parmi ceux-ci figurent les perspectives en matière d’éthique, de droit international humanitaire, de prolifération et d’impact sur la sécurité à l’échelle mondiale et sur la stabilité régionale et internationale.
Dans le rapport, le Secrétaire général réitère que « le temps presse pour que la communauté internationale agisse de manière préventive sur cette question » et réaffirme « la nécessité d’agir d’urgence afin de maintenir sous contrôle humain les décisions de recourir à la force ».
L’intérêt pour des négociations en vue d’aboutir à un traité international sur les systèmes d’armes autonomes continue de croître. En avril, plus de 1 000 représentants de 144 pays ont participé à une conférence internationale de haut niveau à Vienne (Autriche) sur les problèmes posés par les systèmes d’armes autonomes. Cette conférence faisait suite à une série de réunions régionales sur le même thème qui s’étaient tenues sur une période de 14 mois au Costa Rica, au Luxembourg, à Trinidad et Tobago, aux Philippines et en Sierra Leone. La plupart de ces réunions avaient abouti à la publication de communiqués régionaux appelant à la négociation urgente d’un instrument juridiquement contraignant restreignant et interdisant l’utilisation de systèmes d’armes autonomes.
À l’initiative du Secrétaire général, les dirigeants du monde se réuniront les 22 et 23 septembre au siège des Nations Unies à New York, pour un Sommet de l’avenir. Ils doivent à cette occasion adopter un « Pacte pour l’avenir » comprenant un large éventail d’initiatives, dont l’une concernant les robots tueurs. L’actuelle ébauche du Pacte recommande que les pays agissent « d’urgence » pour élaborer un instrument juridique qui traite des risques posés par les systèmes d’armes autonomes.
« Le Sommet de l’avenir est une occasion importante pour les États du monde d’exprimer leur soutien au plus haut niveau à l’ouverture de négociations en vue d’interdire ou restreindre l’utilisation de systèmes d’armes autonomes », a affirmé Mary Wareham. « Sans règles juridiques explicites sur cette technologie, le monde se prépare à un avenir sombre de meurtres automatisés qui mettrait les civils, où qu’ils se trouvent, en grave danger. »
Human Rights Watch a cofondé l’initiative Stop Killer Robots (« Halte aux robots tueurs »), une coalition de plus de 260 organisations non gouvernementales réparties dans 70 pays qui travaillent de concert pour l’élaboration d’une nouvelle législation internationale sur l’autonomie des systèmes d’armes.