(Paris) - Les Jeux olympiques et paralympiques en France devraient donner lieu à des avancées pour garantir la tolérance, la non-discrimination et la défense des droits humains fondamentaux, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans un nouveau guide publié à l'attention des journalistes qui couvrent les Jeux. La cérémonie d’ouverture des Jeux d'été de Paris 2024 se tiendra sur la Seine le 26 juillet 2024.
Le "Guide pour les journalistes : Jeux olympiques et paralympiques d'été 2024 à Paris" de 35 pages résume les préoccupations en matière de droits humains liées aux Jeux de Paris et plus globalement en France. Le guide décrit également le rôle du Comité international olympique (CIO) et des autres comités olympiques, et leur place dans la promotion des droits humains pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
« Les Jeux olympiques sont l’occasion de mettre en lumière les préoccupations quant à la dégradation de la situation des droits humains en France », a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice pour la France à Human Rights Watch. « Par exemple, contrairement aux valeurs olympiques d'inclusion et de non-discrimination, les personnes racialisées, y compris les migrants, sont confrontées à des abus et une discrimination systémiques en France. »
Les prochains Jeux se déroulent dans le contexte des récentes élections législatives anticipées en France, convoquées par le président Emmanuel Macron à la suite de la victoire du parti d'extrême droite, le Rassemblement national, aux élections européennes du 9 juin. La campagne électorale a été marquée par une montée de la rhétorique raciste, xénophobe et discriminatoire, ainsi que par une polarisation politique extrême. La société civile s'est massivement mobilisée en faveur de la tolérance et de la non-discrimination, et une majorité d'électeurs a refusé d'être gouvernée par l'extrême droite. Le nouveau gouvernement n'a pas encore été nommé.
Les Jeux de 2024 à Paris marquent le centenaire des Jeux olympiques de Paris de 1924 et c’est la troisième fois que Paris accueillera les Jeux d'été. Avec plus de 200 pays participant aux Jeux olympiques et paralympiques, 15 millions de touristes attendus et une audience télévisuelle mondiale prévue de 5 milliards de téléspectateurs, ces Jeux pourraient être les plus regardés de tous les temps.
Le slogan de Paris 2024 est « Ouvrons grand les Jeux ». Cette devise vise à montrer que ces Jeux seront plus inclusifs, plus ouverts et plus égalitaires, notamment en ce qui concerne la parité hommes-femmes dans la participation des athlètes.
Les Jeux olympiques et paralympiques en France sont les premiers à avoir lieu depuis que le CIO a adopté un cadre stratégique en matière de droits humains en 2022. Le CIO a qualifié Paris 2024 de « première édition des Jeux qui intégrera les droits humains dans l'organisation et la réalisation de l'événement ».
Mais plutôt qu’une amélioration des droits à l'occasion des Jeux, on constate une érosion préoccupante de l'État de droit en France et des rapports font état d’abus inquiétants.
La Charte olympique interdit expressément « toute forme de discrimination » en tant que « principe fondamental de l'Olympisme ». Les restrictions imposées aux athlètes féminines portant le foulard ont été annulées dans le sport mondial à partir de 2014, car l'interdiction excluait des millions de femmes et de filles de la participation à des sports tels que le football et le basketball.
Cependant, en France, les autorités sportives ont mis en place des interdictions pour les athlètes françaises portant le foulard aux JO de Paris 2024 et au-delà, à tous les niveaux du sport. Cette discrimination à l'encontre des femmes et des filles portant le hijab est particulièrement préoccupante compte tenu de la célébration par le CIO de Paris 2024 comme les premiers « Jeux olympiques à atteindre la parité de genre ».
Ces interdictions ont pour effet de discriminer les athlètes féminines du pays hôte des Jeux olympiques et de les empêcher d'exercer leurs droits fondamentaux. Les femmes et les filles musulmanes françaises qui choisissent de porter le foulard ne pourront jamais se qualifier pour ces Jeux ou pour de futurs Jeux, étant exclues des entraînements et compétitions nécessaires pour atteindre le niveau olympique. Les athlètes musulmanes d'autres nations participeront aux Jeux olympiques et paralympiques en portant un couvre-chef sportif sans aucune restriction.
Les restrictions des libertés fondamentales sont en hausse en France, avec des limitations croissantes de la liberté d'expression, du droit de manifester et de la liberté d'association. L'érosion de l'espace civique est accentuée par l'expansion et l'utilisation de technologies invasives de surveillance de masse, invoquées comme mesures de sécurité lors d’un événement de l’importance des Jeux olympiques et paralympiques. La nouvelle loi sur la surveillance des « Jeux olympiques » est la première du genre dans l'Union européenne à légaliser explicitement l'utilisation d’une technologie controversée de vidéosurveillance basée sur des algorithmes, qui risque d'entraîner une discrimination à l'encontre des personnes racialisées lors des Jeux.
« Les compétitions sportives internationales ne devraient pas avoir de conséquences négatives à long terme à travers des politiques qui réduisent les libertés et les droits fondamentaux des personnes en France et au-delà », a ajouté Bénédicte Jeannerod.
Alors que des milliers d'athlètes arrivent à Paris en provenance des quatre coins du monde, le guide traite également des abus commis à l'encontre des athlètes dans le monde entier, notamment les violences sexuelles et sexistes, la maltraitance des enfants dans le sport et les tests sexuels pratiqués sur les athlètes féminines. Dans le cadre de recherches menées au Japon, en Haïti, au Mali et en Inde, Human Rights Watch a travaillé avec des athlètes lanceurs d’alerte et des survivant·e·s d'abus pour dénoncer les violations et comprendre comment le sport crée des systèmes qui permettent aux violations des droits humains de se développer. Les athlètes et les survivant·e·s exigent des réformes de la part des fédérations sportives nationales et internationales afin de mettre en place des systèmes solides permettant de signaler les abus en toute sécurité et d'enquêter à leur sujet.
Le guide pour les journalistes de Human Rights Watch fournit une vision d'ensemble du contexte des droits humains en France et dans le sport mondial pour la couverture des Jeux olympiques et paralympiques. Il comprend des informations générales sur les Jeux olympiques et les droits humains, sur les athlètes en proie à une discrimination systémique dans la pratique du sport, sur les personnes en France confrontées à un racisme structurel de la part des forces de l'ordre, sur les abus systémiques et les efforts de réforme au sein du mouvement olympique, ainsi que sur les récents développements en matière de violations des droits humains et les cas qu'il est intéressant de couvrir.
« Le véritable héritage de ces Jeux d'été ne devrait pas se mesurer uniquement en nombre de médailles ou de records, mais dans la capacité du gouvernement français à démontrer un engagement sans faille et durable pour le respect des droits humains », a affirmé Bénédicte Jeannerod.