À l’attention des Représentants permanents des États Membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (Genève, Suisse)
Le 29 août 2024
Madame, Monsieur le Représentant permanent,
Alors que de graves violations des droits humains continuent d’être commises au Burundi dans un contexte d’impunité généralisée et que le pays se prépare à des élections législatives et présidentielle dans un environnement national et régional tendu, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait maintenir une surveillance étroite de la situation.
Lors de sa 57ème session (9 septembre-11 octobre 2024), le Conseil devrait renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Il devrait indiquer clairement que tout changement futur de son approche sera lié à des réformes structurelles et à des améliorations tangibles de la situation des droits humains dans le pays, plutôt qu’à des développements politiques.
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Neuf ans après l’éclatement de la crise de 2015, non encore résolue, qui faisait suite à l’annonce de la candidature de l’ancien président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat (ensuite jugé inconstitutionnel par la Cour de justice de la Communauté est-africaine[1]), la situation des droits humains au Burundi demeure préoccupante. Le changement intervenu depuis l’investiture du président Évariste Ndayishimiye, en juin 2020, n’a apporté aucune réforme structurelle pour répondre aux préoccupations de longue date en matière de droits humains, de gouvernance, de justice et de primauté du droit. Nombre des problèmes mis en exergue dans les rapports de l’Enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB), de la Commission d’enquête (CoI)[2], du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), du Rapporteur spécial sur le Burundi et des organisations indépendantes de la société civile subsistent. Les violations et atteintes aux droits humains se poursuivent en toute impunité.
Ces violations comprennent des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles et basées sur le genre, des restrictions injustifiées aux droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association, et des violations graves des droits économiques, sociaux et culturels[3].
Les auteurs présumés de ces violations sont des acteurs étatiques et para-étatiques, à savoir des responsables gouvernementaux, des membres des forces de l’ordre et des services de sécurité, notamment la police et le Service national de renseignement (SNR) et des membres de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD au pouvoir, connue sous le nom d’Imbonerakure. Aucun responsable de haut-niveau n’a eu à rendre de comptes pour les violations commises en lien avec la répression des manifestations de 2015 ou ses suites ou pour le ciblage des membres et sympathisants de l’opposition, des défenseurs des droits humains (DDH), des journalistes ou d’autres voix critiques ou indépendantes[4].
Les élections législatives sont prévues pour mai 2025, soit huit mois après la 57ème session du Conseil des droits de l’homme, au cours de laquelle le Conseil examinera un rapport écrit du Rapporteur spécial. Suite à une réforme qui a institué un septennat, l’élection présidentielle est prévue pour mai 2027. Alors que le pays est entré dans la première de ces deux périodes électorales successives, et à la lumière des cycles de violence ayant accompagné les élections précédentes au Burundi, nous soulignons les points suivants, qui requièrent la plus grande attention de la communauté internationale.
En premier lieu, les facteurs de risque de nouvelles violations. Plusieurs des Facteurs de risque décrits dans le Cadre d’analyse des atrocités criminelles[5] développé par les Nations Unies sont présents au Burundi. Ils comprennent, à tout le moins, de nombreux Indicateurs associés aux Facteurs de risque 1 à 8. Ces Facteurs de risque et les Indicateurs associés, que la CoI a introduit et sur lesquels elle s’est appuyée pour son rapport sur le Burundi en amont des élections de 2020,[6] sont basés sur les principes de prévention et d’alerte précoce. Ils incluent, entre autres[7] : (i) l’existence d’une crise sécuritaire, la présence de conflits armés dans les pays voisins, l’instabilité et la tension politique et la misère ; (ii) des antécédents de violations graves du droit international, l’impunité, et l’absence généralisée de confiance dans les institutions étatiques ; (iii) la faiblesse des structures étatiques, notamment l’absence d’une justice indépendante et des niveaux élevés de corruption ; (iv) des facteurs déclencheurs de la violence, y compris les idéologies fondées sur des versions extrémistes de l’identité ; (v) de solides traditions d’obéissance à l’autorité ; (vi) un espace civique fermé et un manque d’attention médiatique internationale ; (vii) le refus du gouvernement d’autoriser la présence d’ONG et d’autres acteurs internationaux, et l'existence de déclarations provocatrices et d’incitations à la haine ; et (viii) des facteurs déclencheurs ou des événements qui peuvent gravement exacerber les conditions existantes, tels que des élections et les activités centrales liées aux processus électoraux.
Les derniers mois ont été marqués par une augmentation des discours de haine et de la rhétorique incendiaire, y compris au plus haut niveau politique[8], ainsi que par un accroissement supplémentaire de la pression exercée par les autorités sur l’espace civique.[9]
En plus des phénomènes récurrents, dont il a déjà été fait état[10], d’attaques contre les DDH, les journalistes et les organisations de la société civile, au cours des derniers mois, l’un des principaux groupes de presse, Iwacu, a été soumis à de graves menaces.[11] Si Floriane Irangabiye a fait l’objet d’une grâce accordée par un décret présidentiel en date du 14 août 2024, laquelle a abouti à sa libération deux jours plus tard, une autre journaliste, Sandra Muhoza, continue d’être détenue arbitrairement[12]. Elles n’auraient jamais dû être être détenues en premier lieu. Malgré sa relaxe pour des faits allégués de « dénonciation calomnieuse », la syndicaliste Émilienne Sibomana était toujours en détention au moment où la présente lettre est rédigée. Le refus des autorités de la libérer est probablement lié à la nature politiquement sensible de son cas – et il est emblématique de l’impunité généralisée dont jouissent les responsables de haut rang au Burundi[13].
La crise des droits humains au Burundi est également aggravée par une situation sécuritaire volatile, tant à l’intérieur du pays que dans la sous-région. Le conflit armé en République Démocratique du Congo (RDC) et les violences transfrontières risquent d’accroître l’instabilité et les tensions ethniques dans la région des Grands Lacs et au Burundi[14].
Alors que le Burundi se trouve à un moment critique, Agathon Rwasa, le leader du principal parti d’opposition, le Congrès national pour la liberté (CNL), a été évincé de manière controversée alors qu’il se trouvait à l’étranger, un développement que le Réseau panafricain des leaders d’opposition a condamné en tant que « prise de contrôle illégale » orchestrée par le Gouvernement burundais. Depuis lors, de nombreux membres et sympathisants du CNL auraient quitté le pays pour des raisons de sécurité[15].
En second lieu, la situation économique du Burundi s’est aggravée et de graves violations des droits économiques, sociaux et culturels sont de plus en plus mises en lumière car elles se trouvent au centre de la crise des droits humains dans le pays.
Le Burundi reste l’un des pays les plus pauvres au monde en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant. La plupart des Burundais vivent dans la pauvreté et sont confrontés aux conséquences négatives de l’inflation[16], ainsi qu’aux pénuries de carburant, aux pénuries de produits de base et d’électricité, et au manque d’accès aux services de santé[17]. La cessation des activités d’entreprises publiques illustre l’aggravation de la situation économique[18]. Les catastrophes naturelles, notamment les inondations, et la crise sanitaire aggravent les défis socio-économiques et humanitaires[19].
Dans le Nord du Burundi, depuis début 2024, les autorités locales ont lancé une campagne massive contre le « concubinage » (la cohabitation entre une personne mariée et une personne qui n’est pas son époux-se), ce qui est illégal en droit burundais[20] et que les autorités considèrent comme un « péché » qui empêche le pays de se développer. Cette chasse aux « concubines » avait entraîné l’expulsion, à la fin mai 2024, d’au moins 900 femmes et 3.600 enfants dans la seule province de Ngozi. Ces expulsions illégales sont discriminatoires, entraînant, pour les femmes, la perte de leur domicile, et, pour des milliers d’enfants, l’abandon scolaire[21]. Dans d’autres régions du pays, il a été rapporté que des personnes ayant réclamé des compensations pour les expropriations foncières menées par le Gouvernement ont fait l’objet de menaces de la part du SNR [22].
Le Gouvernement burundais a échoué à s’attaquer à la crise économique auquel le pays fait face et à remédier aux malversations financières, aux pénuries de carburant et à l’inflation. Ces échecs, dont les effets s’ajoutent à ceux de la guerre en Ukraine et aux chocs liés à la crise climatique, ont exacerbé l’insécurité alimentaire au Burundi. Le président Ndayishimiye a publiquement balayé les inquiétudes relatives à l’inflation et à l’insécurité alimentaire. Ses propos ont suscité tollé et indignation[23].
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Le Gouvernement burundais continue de nier ou de minimiser la gravité des problèmes liés aux droits humains dans le pays. Il refuse de coopérer de façon pleine et entière avec les organes et mécanismes indépendants de protection des droits humains et de leur permettre un accès au pays, et il a en substance cessé sa coopération avec les mécanismes du Conseil, notamment en déclarant les membres de l’EINUB personæ non gratæ, en 2016, en rejetant toutes les demandes de visite de la Commission d’enquête et des autres experts indépendants nommés par le Conseil, et en refusant de coopérer avec le Rapporteur spécial. En 2019, le HCDH a dû fermer son bureau pays à la demande du Gouvernement[24].
Lorsqu’il a été nommé, en avril 2022, le Rapporteur spécial, M. Fortuné Gaetan Zongo, a immédiatement exprimé sa volonté d’explorer les voies de coopération possibles avec le Gouvernement du Burundi. Toutes ses tentatives de dialogue, y compris ses demandes de visite, ont été rejetées ou sont restées sans réponse.
Dans ce contexte, le manque d’indépendance[25] de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) signifie qu’il n’existe aucun mécanisme mandaté au niveau national qui soit capable ou désireux de protéger les droits humains, notamment en enquêtant et en rendant compte des violations des droits humains (en particulier dans les affaires politiquement sensibles), en soutenant les demandes de réparation des victimes et des survivants, en protégeant les personnes à risque et en demandant des comptes aux responsables gouvernementaux et aux autres agents publics.
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Le Conseil ne devrait pas récompenser le Burundi pour sa non-coopération. Il devrait indiquer clairement qu’être Membre du Conseil s’accompagne d’une responsabilité accrue d’accepter une surveillance de sa situation des droits humains. En l’absence de progrès mesurables, et à la lumière des violations persistantes et de l’impunité, nous considérons qu’il n’y a aucune raison pour le Conseil de changer d’approche et que le retour du Burundi en tant que Membre (pour la période 2024-2026) ne devrait pas conduire à reconsidérer le mandat existant. Le Rapporteur spécial demeure un mécanisme indispensable.
Tout changement dans l’approche de la situation des droits humains au Burundi par le Conseil devrait être lié à des progrès mesurables et durables sur les principaux problèmes en matière de droits humains, qui comprennent la lutte contre l’impunité pour les violations passées et actuelles.
Tant que de tels progrès ne sont pas réalisés, le Conseil devrait assurer une surveillance continue et des rapports publics sur la situation des droits humains au Burundi. Étant donné que le Rapporteur spécial est le seul mécanisme indépendant ayant pour mandat de surveiller et de rendre compte des violations et atteintes aux droits humains au Burundi, en assurant la mission cruciale de surveillance de la situation, et alors que le pays entre dans des cycles électoraux, le Conseil devrait, au moyen d’une résolution adoptée lors de sa 57ème session :
- Renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi ;
- Réitérer que tous les États Membres du Conseil des droits de l’homme devraient observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et coopérer pleinement avec le Conseil et ses mécanismes, et exhorter le Burundi à être attentif à ces normes ;
- Exhorter le Gouvernement burundais à coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial, y compris en lui permettant un accès au pays et en lui fournissant toutes les informations nécessaires au plein accomplissement de son mandat ; et
- Exhorter le Gouvernement burundais à coopérer de façon constructive avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en particulier avec son bureau régional pour l’Afrique centrale, et à présenter un calendrier pour la réouverture de son bureau pays au Burundi.
Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces préoccupations urgentes et nous tenons prêts à fournir à votre délégation toute information supplémentaire. Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le Représentant permanent, en l’assurance de notre haute considération.
- Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – Burundi (ACAT-Burundi)
- AfricanDefenders (Réseau panafricain des défenseurs des droits humains)
- Amnesty International
- Centre éthiopien des défenseurs des droits humains (EHRDC)
- Centre Mondial pour la responsabilité de protéger (GCR2P)
- CIVICUS
- Coalition burkinabè des défenseurs des droits humains (CBDDH)
- Coalition burundaise des défenseurs des droits de l’homme (CBDDH)
- Coalition des défenseurs des droits humains au Bénin (CDDH-Bénin)
- Coalition ivoirienne des défenseurs des droits humains (CIDDH)
- Coalition togolaise des défenseurs des droits humains (CTDDH)
- Collectif des avocats pour la défense des victimes de crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB)
- Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
- DefendDefenders (Projet des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique)
- Fédération internationale des ACAT (FIACAT)
- FIDH (Fédération internationale pour les droits humains)
- Forum pour la conscience et le développement (FOCODE)
- Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC)
- Genève pour les Droits de l’Homme – Formation internationale & études de politique
- Humanists International
- Human Rights Defenders Network – Sierra Léone
- Human Rights Watch
- Institut de Hawai’i pour les droits humains (Hawai’i Institute for Human Rights)
- Institut des médias pour la démocratie et les droits de l’Homme (IM2DH) – Togo
- International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)
- Ligue Iteka
- Mouvement INAMAHORO
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
- Protection International Africa
- Reporters sans frontières (RSF)
- Réseau capverdien des défenseurs des droits de l’homme (RECADDH)
- Réseau des citoyens probes (RCP)
- Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC)
- Réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc)
- Réseau nigérien des défenseurs des droits humains (RNDDH)
- Réseau ouest africain des défenseurs des droits humains (ROADDH)
- Service international pour les droits de l’Homme (SIDH/ISHR)
- SOS-Torture / Burundi
- Stichting Global Human Rights Defence
Annexe : Facteurs de risque et Indicateurs
selon le Cadre d’analyse des atrocités criminelles de l’ONU (Burundi)
(liste non exhaustive)
Facteurs de risque Communs (Facteurs de risque 1 à 8)
Sous le Facteur de risque 1 (Situations de conflit armé ou autres formes d’instabilité (Situations qui soumettent un État à des tensions et créent un environnement favorable aux atrocités criminelles)) :
Indicateurs liés à la crise sécuritaire, à la présence de conflits armés dans les pays voisins, à l’instabilité politique, à la tension politique, à l’instabilité économique, à la crise de l’économie nationale, à la misère, et à l’instabilité sociale, notamment l’instabilité provoquée par l’exclusion ou des tensions fondées sur des questions d’identité.
Sous le Facteur de risque 2 (Antécédents de violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire (Violations graves survenues dans le passé ou actuelles qui n’ont pas été évitées, punies ou convenablement prises en considération)) :
Indicateurs liés à des violations survenues dans le passé ou actuelles, à des incitations passées à commettre des crimes de droit international, à l’impunité, à la politisation ou à l’absence de processus de réconciliation ou de justice transitionnelle à la suite d’un conflit, et à l’absence généralisée de confiance dans les institutions étatiques.
Sous le Facteur de risque 3 (Faiblesse des structures étatiques (Circonstances qui remettent en cause la capacité de l’État de prévenir ou faire cesser les atrocités criminelles)) :
Indicateurs liés au cadre juridique national et aux institutions, à l’absence d’une justice indépendante et impartiale, à l’absence d’un contrôle civil efficace des forces de sécurité, à des niveaux élevés de corruption, à l’absence ou à l’insuffisance de mécanismes externes ou internes de contrôle ou de responsabilisation, et au manque ou à l’insuffisance de capacité et de ressources pour les réformes.
Sous le Facteur de risque 4 (Motivations ou incitations (Raisons, buts ou facteurs déclencheurs qui justifient l’usage de la violence contre des groupes, populations ou individus protégés)) :
Tous les Indicateurs liés aux raisons, buts ou facteurs déclencheurs qui justifient l’usage de la violence, y compris les idéologies fondées sur la suprématie d’une certaine identité ou sur des versions extrémistes de l’identité.
Sous le Facteur de risque 5 (Capacité de commettre des atrocités criminelles) :
Indicateurs liés à de solides traditions d’obéissance à l’autorité et à la présence d’autres forces armées ou des groupes armés non étatiques, ou liens avec ces forces ou groupes.
Sous le Facteur de risque 6 (Absence de facteurs atténuants (Absence d’éléments qui, s’ils existaient, pourraient contribuer à prévenir de graves actes de violence contre des groupes, populations ou individus protégés ou en atténuer l’impact)) :
Indicateurs liés à un espace civique fermé, au manque d’attention médiatique internationale, à l’absence de motivations ou de volonté des parties à un conflit d’engager un dialogue, de faire des concessions et de recevoir l’aide de la communauté internationale, et à l’absence d’un mécanisme d’alerte rapide.
Sous le Facteur de risque 7 (Circonstances propices ou action préparatoire (Événements ou mesures qui créent un environnement propice à la perpétration d’atrocités criminelles, ou laissent présumer une trajectoire vers leur perpétration)) :
Indicateurs liés au renforcement des forces de sécurité, au refus du gouvernement d’autoriser la présence d’ONG et d’autres acteurs internationaux, à l’augmentation des actes de violence, à la politisation accrue de l’identité, et à la multiplication des déclarations provocatrices et des incitations à la haine.
Sous le Facteur de risque 8 (Facteurs déclencheurs (Événements ou circonstances qui ne semblent pas être liés aux atrocités criminelles, mais qui peuvent gravement exacerber les conditions existantes ou déclencher leur apparition)) :
Indicateurs liés aux actes d’incitation ou à la propagande haineuse ciblant des groupes ou individus particuliers, aux conflits armés ou graves tensions dans les pays voisins, et aux élections et aux activités centrales liés [aux processus électoraux].
Les Facteurs de risque 9 à 14 sont Spécifiques et associés à des Indicateurs ayant trait au risque de génocide, de crimes contre l’humanité, et de crimes de guerre. Certains pourraient être presents au Burundi (voir « Cadre d’analyse des atrocités criminelles », op. cit. à la note de bas de page 5, pp. 18-24).
[1] En septembre 2022, des avocats burundais ont rapporté que dans un jugement rendu en novembre 2021, la Chambre d’appel de la Cour de justice est-africaine avait statué que le troisième mandat (2015-2020) du défunt président Nkurunziza était illégal et violait la Constitution du Burundi. Voir RFI, « Burundi : sept ans après, un jugement défavorable à un troisième mandat de Nkurunziza resurgit », 17 septembre 2022, https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220916-burundi-sept-ans-apr%C3%A8s-un-jugement-d%C3%A9favorable-%C3%A0-un-troisi%C3%A8me-mandat-de-nkurunziza-resurgit (consulté le 19 juillet 2024).
[2] Voir la page internet de la Commission : https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/hrc/co-i-burundi/co-i-burundi
[3] Voir, entre autres, Human Rights Watch, « Burundi : Événements de 2023 », in « World Report 2024 », disponible sur : https://www.hrw.org/fr/world-report/2024/country-chapters/burundi ; ACAT-Burundi, « Rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme, édition 2023 », 25 mars 2024, https://www.acatburundi.org/rapport-annuel-sur-la-situation-des-droits-de-lhomme/ ; ACAT-Burundi, « Rapport de monitoring des violations et atteintes aux droits humains recensé par ACAT-Burundi pour juin 2024 », 1er juillet 2024, https://www.acatburundi.org/rapport-de-monitoring-des-violations-et-atteintes-aux-droits-humains-recense-par-acat-burundi-pour-juin-2024/ ; Ligue Iteka, « Rapport de la Ligue burundaise des droits de l'Homme ‘Iteka’ sur la situation des droits de l'Homme au Burundi au cours de la période de janvier à mars 2024 », avril 2024, https://ligue-iteka.bi/wp-content/uploads/2024/04/RAPPORT-TRIMESTRIEL-JANVIER-MARS-2024.pdf ; SOS-Torture/Burundi, « Un état des lieux toujours préoccupant au Burundi selon les Défenseurs des droits humains », 30 décembre 2023, https://sostortureburundi.org/wp-content/uploads/2023/12/Bulletin_Justice_65_12_23.pdf (tous consultés le 19 juillet 2024).
[4] Pour davantage d’informations, voir les lettres successives de la société civile au Conseil des droits de l’homme, notamment : DefendDefenders et al., « Burundi : le rôle vital de la Commission d’enquête dans l’optique de progrès concrets en matière de droits humains », 20 août 2020, https://defenddefenders.org/burundi-vital-role-of-the-commission-of-inquiry-in-prompting-meaningful-human-rights-progress/ ; DefendDefenders et al., « Burundi : le Conseil des droits de l’homme devrait poursuivre son examen minutieux de la situation et son travail en faveur de la justice et de la redevabilité », 18 août 2021, https://defenddefenders.org/burundi-the-human-rights-council-should-continue-its-scrutiny-and-pursue-its-work-towards-justice-and-accountability/ ; DefendDefenders et al., « Burundi : Il faut renouveler le mandat du Rapporteur spécial », 18 août 2022, https://defenddefenders.org/burundi-extend-the-special-rapporteurs-mandate/ ; DefendDefenders et al., « Burundi : Il faut renouveler le mandat du Rapporteur spécial et garantir des ressources financières adéquates pour son travail de suivi et de documentation de la situation », 25 août 2023, https://defenddefenders.org/burundi-extend-sr-mandate-ensure-funding/ (lettres consultées le 18 juillet 2024).
[5] Nations Unies, « Cadre d’analyse des atrocités criminelles : Outil de prévention », 2014, disponible sur : https://www.un.org/en/genocideprevention/documents/publications-and-resources/Framework%20of%20Analysis%20for%20Atrocity%20Crimes_FR.pdf
[6] Voir « Rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi », Doc. ONU A/HRC/42/49, disponible sur la page de la CoI et en français au lien suivant: https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/hrc/regular-sessions/session42/list-reports: « Conformément aux principes de prévention et d’alerte précoce promus par les Nations Unies, la Commission a décidé qu’il était important de déterminer s’il existait des facteurs de risque particuliers liés aux élections de 2020, qui pourraient avoir un impact sur la situation des droits de l’homme. Pour ce faire, elle s’est servie du Cadre d’analyse des atrocités criminelles développé par le Bureau de la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger. Les facteurs de risque sont des conditions qui créent un environnement propice à la commission d’atrocités criminelles ou indiquent leur occurrence potentielle. […] Les indicateurs objectifs retenus dans le Cadre d’analyse constituent des manifestations diverses de chaque facteur et aident à déterminer dans quelle mesure celui-ci est présent. Observer la situation et alerter sur l’existence de facteurs de risque − sans se prononcer sur la probabilité de leur occurrence − est une démarche nécessaire, l’alerte pouvant elle-même être un outil de prévention et d’atténuation des risques de détérioration de la situation des droits de l’homme. La Commission a donc cherché à identifier les indicateurs présents dans le contexte burundais, afin de déterminer les facteurs de risque existants (para. 65).
[7] Voir davantage de précisions, et une liste (non exhaustive) d’Indicateurs présents au Burundi, voir l’Annexe, ainsi que « Cadre d’analyse des atrocités criminelles », op. cit., pp. 10-24.
[8] DW, « Les actes d'incitation à la haine persistent au Burundi », 27 octobre 2023, https://www.dw.com/fr/burundi-droits-humains-imbonerakure-cndd-fdd-discours-haine-ue/a-67238495 ; France 24, « Burundi's president says homosexuality ‘imported from the West’, calls for stoning gays », 31 décembre 2023, https://www.france24.com/en/africa/20231231-burundi-s-president-says-homosexuals-should-be-stoned (consultés le 18 juillet 2024).
[9] Pour le context, voir Amnesty International, « Burundi : Les discours et la réalité ; La répression de la société civile se poursuit sous le gouvernement d’Évariste Ndayishimiye », 21 août 2024, https://www.amnesty.org/fr/documents/afr16/8292/2024/fr/ (consulté le 21 août 2024).
[10] Voir note 4, ci-dessus.
[11] IFEX, « Disturbing threats against the bastion of Burundian independent press », 26 juin 2024, https://ifex.org/disturbing-threats-against-the-bastion-of-burundian-independent-press/ ; CPJ, « Burundi regulator warns Iwacu Press Group after police assault 2 of outlet’s journalists », 17 juillet 2024, https://cpj.org/2024/06/burundi-regulator-warns-iwacu-press-group-after-police-assault-2-of-outlets-journalists/ (consultés le 19 juillet 2024).
[12] SOS Médias Burundi, « Burundi-Presse : la chambre de cassation de la cour suprême a maintenu la peine de 10 ans d’emprisonnement contre Floriane Irangabiye », 15 février 2024, https://www.sosmediasburundi.org/2024/02/15/burundi-presse-la-chambre-de-cassation-de-la-cour-supreme-a-maintenu-la-peine-de-10-ans-demprisonnement-contre-floriane-irangabiye/ ; Reporters Sans Frontières, « Burundi : RSF dénonce la détention arbitraire de la journaliste Sandra Muhoza qui risque la prison à perpétuité », 25 avril 2024, https://rsf.org/fr/burundi-rsf-d%C3%A9nonce-la-d%C3%A9tention-arbitraire-de-la-journaliste-sandra-muhoza-qui-risque-la-prison-%C3%A0 (consultés le 19 juillet 2024).
[13] Émilienne Sibomana avait dénoncé, en présence de trois ministres dont celui de l’Éducation, des abus sexuels commis par un directeur d’établissement. Elle était poursuivie pour dénonciation calomnieuse. Voir SOS Médias Burundi, « Gitega : Émilienne Sibomana acquitted by the Court of Appeal », 4 juillet 2024, https://www.sosmediasburundi.org/en/2024/07/04/gitega-emilienne-sibomana-acquitted-by-the-court-of-appeal/ ; RPA, « Émilienne Sibomana toujours en prison malgré son acquittement », 4 juillet 2024, https://www.rpa.bi/index.php/actualites/3droits-de-l-homme/emilienne-sibomana-toujours-en-prison-malgre-son-acquittement ; Yaga, « Émilienne Sibomana : toujours derrière les barreaux, malgré l’acquittement », 17 juillet 2024, https://www.yaga-burundi.com/emilienne-sibomana-derriere-barreaux-acquittement/ (consultés le 18 juillet 2024).
[14] SOS-Torture/Burundi, « Burundi : le jeu électoral de 2025 et 2027 semble joué d'avance ; Rapport d'analyse du contexte Novembre 2023-Février 2024 », février 2024, https://sostortureburundi.org/burundi-le-jeu-electoral-de-2025-et-2027-semble-joue-davance-rapport-danalyse-du-contexte-novembre-2023-fevrier-2024/ ; The New Times, « Rwanda dismisses Burundi's accusations of involvement in grenade attacks », 12 mai 2024, https://www.newtimes.co.rw/article/16713/news/rwanda/rwanda-dismisses-burundis-accusations-of-involvement-in-grenade-attacks ; UN News (ONU Infos), « Burundi : un contexte sécuritaire volatile marqué par une impunité généralisée des ‘Imbonerakure’ (expert) », 4 juillet 2024, https://news.un.org/fr/story/2024/07/1146841 (consultés le 19 juillet 2024).
[15] The East African, « Burundi coup : Agathon Rwasa loses another political party he founded », 11 mars 2024, https://www.theeastafrican.co.ke/tea/news/east-africa/burundi-agathon-rwasa-loses-another-political-party-he-founded-4552784 ; SOS Médias Burundi, « Tanzania : more than 100 CNL members seeking asylum », 29 mars 2024, https://www.sosmediasburundi.org/en/2024/03/29/tanzania-more-than-100-cnl-members-seeking-asylum/ (consultés le 18 juillet 2024).
[16] Global Finance, « Poorest Countries in the World 2024 », 6 mai 2024, https://gfmag.com/data/economic-data/poorest-country-in-the-world/(consulté le 14 août 2024). Voir également SOS-Torture/Burundi, « Burundi : le jeu électoral de 2025 et 2027 semble joué d'avance », op. cit.
[17] Voir le rapport du FORSC, « Les catastrophes naturelles aggravent la vulnérabilité des populations confrontées à l'absence de solutions adaptées des pouvoirs publics », avril 2024, disponible sur : https://forscburundi.org/burundi-les-catastrophes-naturelles-aggravent-la-vulnerabilite-des-populations-confrontees-a-labsence-de-solutions-adaptees-des-pouvoirs-publics/ ; Yahoo Finance (via AP), « In Burundi, shortages and power cuts slow a return from international isolation », 18 juin 2024, https://finance.yahoo.com/news/burundi-shortages-power-cuts-slow-040548835.html ; FORSC, « Burundi : Une socio-économie délabrée dans une gouvernance insouciante », 26 juin 2024, https://forscburundi.org/burundi-une-socio-economie-delabree-dans-une-gouvernance-insouciante/ ; Bloomberg, « Three-Week-Long Gas Queues in Burundi as Currency Shortage Hits », 17 juillet 2024, https://www.bnnbloomberg.ca/investing/commodities/2024/07/17/three-week-long-gas-queues-in-burundi-as-currency-shortage-hits/ (consultés le 19 juillet 2024).
[18] À titre d’exemple, la SOSUMO, la compagnie nationale burundaise de production sucrière, a cessé ses activités. Voir Iwacu, « Discours à la Nation : Boulets rouges sur Kigali », 7 janvier 2024, https://www.iwacu-burundi.org/discours-a-la-nation-boulets-rouges-sur-kigali/ (consulté le 19 juillet 2024).
[19] International Rescue Committee, « 200,000 people in Burundi have been impacted by El Niño floods, IRC prepares emergency response », 5 juin 2024, https://www.rescue.org/press-release/200000-people-burundi-have-been-impacted-el-nino-floods-irc-prepares-emergency ; Care, « Burundi : women and girls most affected by escalating flood crisis », 8 juillet 2024, https://www.care-international.org/news/burundi-women-and-girls-most-affected-escalating-flood-crisis (consultés le 18 juillet 2024).
[20] Le Code pénal burundais de 2017, à son article 554, prévoit des sanctions pour le « concubinage ». Les articles 24 et 42 de la loi relative aux violences basées sur le genre (2016) criminalise également les « unions libres » (c’est-à-dire la cohabitation entre personnes non mariées). Pour advantage d’informations, voir Amnesty International, « Burundi : Amendez la loi relative aux violences basées sur le genre », 6 décembre 2023, https://www.amnesty.org/fr/documents/afr16/7366/2023/fr/ (consulté le 14 août 2024).
[21] RFI, « Burundi : des centaines de ‘concubines’ chassées de leurs ménages par les autorités au nom de l'ordre moral », 5 avril 2024, https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240405-burundi-des-centaines-de-concubines-chass%C3%A9es-de-leurs-m%C3%A9nages-par-les-autorit%C3%A9s-au-nom-de-l-ordre-moral ; « Burundi : plus de 900 concubines ‘chassées’ de leurs ménages dans le nord du pays », 4 juin 2024, https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240604-burundi-plus-de-900-concubines-chass%C3%A9es-de-leurs-m%C3%A9nages-dans-le-nord-du-pays (consultés le 19 juillet 2024).
[22] FORSC, « Burundi : Expropriation foncière abusive et menaces d’emprisonnement par le service national de renseignement burundais », 28 juin 2024, https://forscburundi.org/burundi-expropriation-fonciere-abusive-et-menaces-demprisonnement-par-le-service-national-de-renseignement-burundais/ (consultés le 19 juillet 2024).
[23] En réponse aux inquiétudes, le président Ndayishimiye a dit : « Ceux qui se plaignent que les produits (vivriers) sont chers, produisez-les vous-même ! Me suis-je jamais plaint devant vous du prix exorbitant des pommes de terre et du haricot alors que j’en dispose chez moi ? Me suis-je jamais plaint devant vous du prix exorbitant du maïs alors que j’en possède chez moi ? Moi, je puise dans mon stock. J’ai plus d’une tonne de millet, plusieurs tonnes d’arachides, j’ai environ cinq tonnes de maïs que je mous, j’ai du riz en stock, j’ai du haricot en stock, comment alors puis-je savoir que tous ces produits sont chers ? Comment devrais-je en être conscient ? Pourquoi vous n’en faites pas autant ? » (voir Iwacu, « Discours à la Nation : Boulets rouges sur Kigali », op. cit.).
[24] Ce schéma de non-coopération ne se limite pas au Conseil et à ses mécanismes. En juillet 2023, la délégation du Gouvernement burundais a quitté une réunion du Comité des droits de l’homme de l’ONU visant à examiner le rapport périodique du Burundi. En 2016, la délégation burundaise a refusé d’assister à la seconde partie de son examen par le Comité del’ONU contre la torture (CCT). Il a ensuite exercé des représailles contre certains des DDH qui ont participé à l’examen (voir DefendDefenders, « Fuite en avant : Le comportement du Burundi en tant que membre du Conseil des droits de l’homme de l'ONU », 25 juillet 2018, https://defenddefenders.org/headlong-rush-burundis-behaviour-as-a-member-of-the-un-human-rights-council/. Voir aussi DefendDefenders et al., « Burundi : Il faut renouveler le mandat du Rapporteur spécial et garantir des ressources financières adéquates », op. cit.
[25] En avril 2024, l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (INDH), GANHRI, a recommandé la rétrogradation de l’INDH burundaise, la CNIDH, du statut « A » au statut « B », compte tenu de son manque d’indépendance. Toutefois, à l’heure où ces lignes sont rédigées, le processus n’est pas terminé et la rétrogradation de la CNIDH n’est pas définitive.